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Le Chat en Poèmes
Devant ma tombe ne pleure pas
Devant ma tombe ne pleure pas
Je n'y suis pas, je ne dors pas
Dans le ciel je suis mille vents qui soufflent
Je suis l'éclat du diamant sur la neige
Je suis la lumière qui éclaire les champs
Je suis la pluie d'automne tombant doucement
Devant ma tombe ne pleure pas
Je ne suis pas mort, je n'y suis pas
Je suis les rivières qui courent, libres
Je suis les étoiles de l'infini, je brille
Je suis les rêves qui n'ont pas de fin
Je suis le soleil qui caresse tes matins.
En hiver je suis la neige qui tombe à ta fenêtre
Au printemps je suis les fleurs dans ton jardin
En été je suis je suis les feuilles où tu t'endors
Je ne suis ni vérités ni torts.
Je suis la rose que tu tiens sur ton coeur
Douce et amère comme tes larmes intérieures
Je suis l'ange qui a toujours veillé sur toi,
Devant ma tombe ne pleure pas
Je ne suis pas mort, je n'y suis pas
MortuaryLa java des pussy-cats
Sur un vieux toit en zingue
Y avait des pussy-cats
Qui dansaient comme des dingues
En f'sant du bruit avec leurs pattes
Alertés, les voisingues
S'écriaient ça n'a rien d'bath
y a d'quoi dev'nir sourdingue
On peux plus travailler ses maths
Le matou du marchand d'volailles
Une sardine en bandouillière
Avait enlacé par la taille
La chatte de la cuisinière
Chacun faisait du gringue
A la siamoise de l'épicier
C'était un vrai dancingue
A tout l'monde ils cassaient les pieds
Au bout d'une demi-plombe
Ecoeurés par ce raffut
Les flics s'amènent en trombe
En faisant tourner leurs massues
Et c'est une hécatombe
Les ardoises volent en éclats
On aurait cru des bombes
Mais y avait déjà plus un chat
Réfugiés au fond d'une cave
Les pussy-cats pas dégonflés
Sirotant d'l'alcool de betterave
S'étaient remis à gambiller
Toute la nuit ils dansèrent
En usant des kilos d'savates
Pour leur anniversaire
La java des pussy-cats
Boris Vian
LE CHAT (I)
Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,Tant son timbre est tendre et discret;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.Cette voix, qui perle et qui filtre,
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.Elle endort tous les cruels maux
Et contient toutes les extases;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.Non, il n'est pas d'archer qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout es, comme un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux!- De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressée une fois, rien qu'une.C'est l'esprit familier du lieu;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tirées comme un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.C.Baudelaire - Les Fleurs du Mal
Le Chat (II)
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressé une fois, rien qu'une.
C'est l'esprit familier du lieu;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire;
Peut-être est-il fée, est-il dieu?
Quand mes yeux vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.
Baudelaire, Les fleurs du mal
LE CHAT
Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum,
Nagent autour de son corps brun.
C.Baudelaire - Les Fleurs du Mal
LES CHATS
Les amoureux fervent et les savants austèresAiment également, dans leur mûre saison;
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.
Amis de la science et de la volupté,
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;
L'Erèbe les eut pris pour ses courriers funèbres;
S'ils pouvaient au sevrage incliner leur fierté.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques,
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
C.Baudelaire - Les Fleurs du Mal
Le ChatII
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressé une fois, rien qu'une.C'est l'esprit familier du lieu;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire;
Peut-être est-il fée, est-il dieu?Quand mes yeux vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.Baudelaire, Les fleurs du mal
A une Chatte
Chatte blanche, chatte sans tache,
Je te demande, dans ces vers,
Quel secret dort dans tes yeux verts,
Quel sarcasme sous ta moustache.Tu nous lorgnes, pensant tout bas
Que nos fronts pâles, que nos lèvres
Déteintes en de folles fièvres,
Que nos yeux creux ne valent pasTon museau que ton nez termine,
Rose comme un bouton de sein,
Tes oreilles dont le dessin
Couronne fièrement ta mine.Pourquoi cette sérénité?
Aurais-tu la clé des problèmes
Qui nous font, frissonnant et blèmes,
Passer le printemps et l'été?Devant la mort qui nous menace,
Chats et gens, ton flair, plus subtil
Que notre savoir, te dit-il
Où va la beauté qui s'efface,Où va la pensée, où s'en vont
Les défuntes splendeurs charnelles? ...
Chatte, détourne tes prunelles;
J'y trouve trop de noir au fond.Charles Cros
Berceuse
Endormons-nous, petit chat noir.
Voici que j'ai mis l'éteignoir
Sur la chandelle.
Tu vas penser à des oiseaux
Sous bois, à de félins museaux...
Moi rêver d'elle.Nous n'avons pas pris de café,
Et dans mon lit bien chauffé
(Qui veille pleure.)
Nous dormirons, pattes dans bras.
Pendant que tu ronronneras,
J'oublierai l'heure.Sous tes yeux fins, appesantis,
Reluiront les oaristys
De la gouttière.
Comme chaque nuit, je croirai
La voir, qui froide a déchiré
Ma vie entière.Et ton cauchemar sur les toits
Te diras l'horreur d'être trois
Dans une idylle.
Je subirais les yeux railleurs
De son faux cousin, et ses pleurs
De crocodile.Si tu t'éveilles en sursaut
Griffé, mordu, tombant du haut
Du toit, moi-même
Je mourrai sous le coup félon
D'une épée au bout du bras long
Du fat qu'elle aime.Puis hors du lit, au matin gris,
Nous chercherons, toi, des souris,
Moi, des liquides
Qui nous fassent oublier tout,
Car au fond, l'homme et le matou
Sont bien stupides.Charles Cros
Le petit chat blanc
Un petit chat blanc qui faisait semblant d'avoir mal aux dents disait en miaulant:
"Souris mon amie. J'ai bien du souci. Le docteur m'a dit: Tu seras guéri.
Si entre tes dents tu mets un moment délicatement la queue d'une souris"
Très obligeamment souris bonne enfant s'approcha du chat qui se la mangea.
Moralité:
Les bons sentiments ont l'inconvénient d'amener souvent de graves ennuis
aux petits enfants comme aux souris.
Claude Roy
Enfantasque
Sonnet
Mon chat, hôte sacré de ma vielle maison,
De ton dos élastique arrondis la souplesse.
Viens te pelotonner sur mes genoux et laisse
Que je passe mes mains dans ta toison.
Ferme à demi, les reins émus d'un long frisson,
Ton œil vert qui me raille et pourtant me caresse,
Ton œil vert, mêlé d'or qui, chargé de paresse,
M'observe, d'ironique et bénigne façon.
Tu n'as jamais connu, philosophe, ô vieux frère,
La fidélité sotte et bruyante du chien.
Tu m'aimes cependant, et mon cœur le sent bien.
Ton amour clairvoyant et peut-être éphémère
Me plaît, et je salue en toi, calme penseur,
Des exquises vertus: scepticisme et douceur.
Jules Lemaitre
Le petit chat
C'est un petit chat noir, effronté comme un page.
Je le laisse jouer sur ma table, souvent.
Quelquefois il s'assied sans faire de tapage;
On dirait un joli presse-papier vivant.Rien de lui, pas un poil de sa toison ne bouge.
Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
A ces matous, tirant leur langue de drap rouge,
Qu'on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.Quand il s'amuse, il est extrêmement comique,
Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.
Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique
Quand on met devant lui la soucoupe de lait.Tout d'abord de son nez délicat il le flaire,
Le frôle; puis, à coups de langue très petits,
Il le lampe; et dès lors il est à son affaire;
Et l'on entend, pendant qu'il boit, un clapotis.Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu'il a passé sa langue rêche et rose
Partout, bien proprement débarbouillé le plat.Alors, il se pourlèche un moment les moustaches,
Avec l'air étonné d'avoir déjà fini;
Et, comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches,
Il relustre avec soin son pelage terni.Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates;
Il les ferme à-demi, parfois, en reniflant,
Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.Mais le voilà qui sort de cette nonchalance,
Et, faisant le gros dos, il a l'air d'un manchon;
Alors pour l'intriguer un peu, je lui balance,
Au bout d'une ficelle invisible un bouchon.Il fuit en galopant et la mine effrayée,
Puis revient au bouchon, le regarde, et d'abord
Tient suspendue en l'air sa patte repliée,
Puis l'abat, et saisit le bouchon et le mord.Je tire la ficelle, alors, sans qu'il le voie;
Et le bouchon s'éloigne, et le chat noir le suit,
Faisant des ronds avec sa patte qu'il envoie,
Puis saute de côté, puis revient, puis refuit.Mais dès que je lui dis: "Il faut que je travaille;
Venez vous asseoir là, sans faire le méchant!"
Il s'assied ... Et j'entends, pendant que j'écrivaille,
Le petit bruit mouillé qu'il fait en se léchant.
Edmond Rostand
On les a fait Venir !
Je suis le chat de cimetière,
De terrain vague et de gouttière,
De haute-Egypte et du ruisseau
Je suis venu de saut en saut.Je suis le chat qui se prélasse
A l'instant où le soleil passe,
Dans vos jardins et dans vos cours
Sans avoir patte de velours.Je suis le chat de l'infortune,
Le trublion du clair de lune
Qui vous réveille dans la nuit
Au beau milieu de vos ennuis.Je suis le chat des maléfices
Condamné par le Saint-Office;
J'évoque la superstition
Qui cause vos malédictions.Je suis le chat qui déambule
Dans vos couloirs de vestibules,
Et qui fait ses petits besoins
Sous la porte cochère du coin.Je suis le félin bas de gamme,
La bonne action des vieilles dames
Qui me prodiguent le ron-ron
Sans souci du qu'en dira-t-on.Epargnez moi par vos prières
Le châtiment de la fourrière
Où finissent vos émigrés
Sans demeure et sans pedigree.
Henri Monnier
Lapalissade
Le chat noir de la palissade
Promène son museau partout,
C'est un pirate en embassade,
Le chat noir qui s'en vient chez nous.
Dans le jardin ou sur le toit,
En mille et une escapades
De tous côtés, il est le roi.Il est le tigre du Bengale
Et le prince des maraudeurs,
Sa moquerie est sans égale:
Ce chat-là est un chapardeur.Il faut le voir, cet escogriffe,
Ce gracile animal ingrat
Qui lacère à grands coups de griffe
Les détritus de papier gras.Il mène sa vie à sa guise,
Ne faisant que ce qui lui plaît,
Il se complaît dans des bêtises
Qui ne valent pas un couplet.Et cependant si ce vaurien
Ne commet que des incartades
A la maison, on l'aime bien,
Le chat noir de la palissade.Henri Monnier
Le chat et l'oiseau
Un village écoute désolé
Le chant d'un oiseau blessé
C'est le seul oiseau du village
Et c'est le seul chat du village
Qui l'a à moitié dévoré
Et l'oiseau cesse de chanter
Le chat cesse de ronronner
Et de se lécher le museau
Et le village fait à l'oiseau
De merveilleuses funérailles
Et le chat qui est invité
Marche derrière le petit cercueil de paille
Où l'oiseau mort est allongé
Porté par une petite fille
Qui n'arrête pas de pleurer
Si j'avais su que cela te fasse tant de peine
Lui dit le chat
Je l'aurais mangé tout entier
Et puis je t'aurais raconté
Que je l'avais vu s'envoler
S'envoler jusqu'au bout du monde
Là-bas c'est tellement loin
Que jamais on n'en revient
Tu aurais eu moins de chagrin
Simplement de la tristesse et des regretsIl ne faut jamais faire les choses à moitié
Jacques Prévert
Poème du chat
Quand on est chat on est pas vache
On ne regarde pas passer les trains
En mâchant des pâquerettes avec entrain
On reste derrière ses moustaches
(Quand on est chat on est chat)
Quand on est chat on est pas chien
On ne lèche pas les vilains moches
Parce qu'ils ont du sucre plein les poches
On ne brûle pas d'amour pour son prochain
Quand on est chat on est pas chien
On passe l'hiver sur le radiateur
(Quand on est chat, on est pas chien).
On passe l'hiver sur le radiateur
A se chauffer doucement la fourrure
Au printemps on monte sur les toits
Pour faire taire les sales oiseaux
On est celui qui s'en va tout seul
Et pour qui tous les chemins se valent
(Quand on est chat, on est chat).
Jacques Roubaud
Les esclaves
Au commencement, Dieu créa le chat à son image.
Et bien entendu, il trouva que c'était bien.
Et c'était bien d'ailleurs.
Mais le chat était paresseux.
Il ne voulait rien faire.
Alors, plus tard, après quelques millénaires, Dieu créa l'homme.
Uniquement dans le but de servir le chat,
De lui servir d'esclave jusqu'à la fin des temps.
Au chat, il avait donné l'indolence et la lucidité;
À l'homme, il donna la névrose, le don du bricolage et la passion du travail.
L'homme s'en donna à cœur joie.
Au cours des siècles, il édifia toute une civilisation basée sur l'invention,
La production et la consommation intensive.
Civilisation qui n'avait en réalité qu'un seul but secret:
Offrir au chat le confort, le gîte et le couvert.
Jacques Sternberg
Semonce à Mistigri
Mon Mistigri, mon infidèle,
Tu dois venir quand je t'appelle,
Au lieu de courir la souris
Tout le jour et encor la nuit.
Je n'aime pas cette manière
De te sauver dans les jardins
Quand je t'ai préparé du pain,
Et de la sauce et du gruyère...
Tu en connais, toi, des maîtresses
Aussi patientes que je suis,
Et qui vous font milles caresses
Après qu'on s'est si mal conduit ?Jean Desmeuze
Epitaphe d'un chat
Petit museau, petites dents,
Yeux qui n'étaient point trop ardents,
Mais desquels la prunelle perse
Imitait la couleur diverse
Qu'on voit en cet arc pluvieux
Qui se courbe au travers des cieux ;
La tête à la taille pareille,
Le col grasset, courte l'oreille,
Et dessous un nez ébénin
Un petit mufle léonin,
Autour duquel était plantée
Une barbelette argentée,
Armant d'un petit poil follet
Son musequin damoiselet ;
La gorge douillette et mignonne,
la queue longue à la gueunonne,
Mouchetée diversement
D'un naturel bigarrement :
Tel fut Belaud la gente bête
Qui des pieds jusques à la tête,
De telle beauté fut pourvu
Que son pareil on n'a point vu.Joachim du Bellay
À La Mémoire d'une Chatte Naine Que j'avais
Ô mon beau chat frileux, quand l'automne morose
Faisait glapir plus fort les mômes dans les cours,
Combien passâmes-nous de ces spleeniques jours
À rêver face à face en ma chambre bien close.
Lissant ton poil soyeux de ta langue âpre et rose
Trop grave pour les jeux d'autrefois et les tours,
Lentement tu venais de ton pas de velours
Devant moi t'allonger en quelque noble pose.Et je songeais, perdu dans tes prunelles d'or
- Il ne soupçonne rien, non, du globe stupide
Qui l'emporte avec moi tout au travers du Vide,Rien des Astres lointains, des Dieux ni de la Mort ?
Pourtant !... quels yeux profonds !... parfois... il m'intimideSaurait-il donc le mot ? - Non, c'est le Sphinx encor.
Jules Laforgue
L'Insomniaque et le Chat
Donne-moi la quiétude, ô mon doux Chat !
Rends à mon âme, de tes ronrons, le calme et le sommeil
Pour qu'au matin rieur, le soleil triomphant, innocent et béat,
Ensemence de traits chauds l'élan de mon réveil !
Dans ton pelage lisse, mes mains si fatiguées
Cherchent parmi les ombres la torpeur mortelle
Qui donne aux yeux des hommes le repos espéré,
Et au cerveau l'oubli, ce rebelle éternel.
Appuie contre mon bras ta tête délicate,
Où de curieux secrets se cachent en silence,
Et que ton souffle pur et tes vives agates
Apaisent sans mot dire les rivages fugaces
Où mes rêves farouches se perdent et se débattent :
Offre à mon coeur trop lourd la douceur salvatrice...
(Nefred - Toulon, 1998)
Le chat
Pour ne poser qu'un doigt dessus
Le chat est bien trop grosse bête.
Sa queue rejoint sa tête,
Il tourne dans ce cercle
Et se répond à la caresse.Mais, la nuit l'homme voit ses yeux
dont la pâleur est le seul don.
Ils sont trop gros pour qu'il les cache
Et trop lourds pour le vent perdu du rêve.Quand le chat danse
C'est pour isoler sa prison
Et quand il pense
C'est jusqu'aux murs de ses yeux.Paul Eluard,
Les animaux et leurs hommes,
les hommes et leurs animaux.
Le chat noir
Un fantôme est encore comme un lieu
où ton regard se heurte contre un son ;mais contre ce pelage noir
ton regard le plus fort est dissous :
comme un insecte fossilisé.
Nouveaux poèmes
Le Chat Qui ne Ressemble à rien
Le chat qui ne ressemble à rien
Aujourd'hui ne va pas très bien.Il va visiter le Docteur
Qui lui ausculte le coeur.Votre coeur ne va pas bien
Il ne ressemble à rien,Il n'a pas son pareil
De Paris à Créteil.Il va visiter sa demoiselle
Qui lui regarde la cervelle.Votre cervelle ne va pas bien
Elle ne ressemble à rien,Elle n'a pas son contraire
A la surface de la terre.Voilà pourquoi le chat qui ne ressemble à rien
Est triste aujourd'hui et ne va pas bien.Robert Desnos
Comment appeler son chat
C'est un art délicat, que d'appeler son chat :
Le baptiser n'est pas un simple passe-temps.
Je ne travaille pas du chapeau, croyez-moi,
Mais sachez-le, un chat a trois noms différents.
Un chat a, tout d'abord, son nom de tous les jours,
Comme Pierre ou Jean-Paul, Aglaë, Pompadour,
Comme sylvain ou Luc, Chat-fouuré, Cyprien...
Tous sont des noms sérieux, pour chats bien de chez nous.
Mais un chat a besoin, il faut que ça se sache,
D'un vrai nom personnel, un nom plus majestueux.
Sans ce nom, il ne peut pas redresser sa queue,
Affirmer sa fierté, hérisser ses moustaches.
Des noms de cette sorte, en veux-tu, en voilà,
Comme Méta-Mhétyl. Ouitchi, Kalikola...
Mais par-dessus tout ça, il reste encore un nom,
C'est le nom que jamais nul ne peut deviner,
C'est le nom dont jamais nul ne saura le nom,
LE CHAT QUI LE CONNAIT ne veut le révéler...
Thomas Stearns EliotChanson du chat
Chat, chat, chat,Chat noir,
chat blanc, chat gris
Charmant chat couché
Chat, chat, chat,
N'entends-tu pas les souris
Danser à trois des entrechats
Sur le plancher?
Le bourgeois ronfle dans son lit,
De son bonnet de coton coiffé,
Et la lune regarde à la vitre.
Dansez souris, dansez jolies,
Dansez vite
En remuant vos fines queues de fées.
Dansez sans musique tout à votre aise,
A pas menus et drus,
Au clair de lune qui vient de se lever,
Courez; les sergents de la ville dans la rue
Font les cent pas sur le pavé;
Et tous les chats du vieux Paris
Dorment sur leurs chaises
Chats blancs, chats noirs ou chats gris.
Tristan Klingsor
Florilège poétique
Le chat et la lune
Le chat s'en allait ça et là,
La lune tournait comme une toupie,
Le plus proche parent de la lune,
Le chat rampant, leva les yeux.
Minnaloushe rampe dans l'herbe
De flaque de lune en flaque de lune,
Et là-haut la lune sacrée
Commence une phase nouvelle.
Minnaloushe a-t-il conscience
Que ses prunelles changent sans cesse,
Qu'elles vont du cercle au croissant,
Pour aller du croissant au cercle ?
Minnaloushe rampe dans l'herbe,
Solitaire, sage, important,
Levant vers la lune changeante
Ses yeux changeants.
William Butler Yeats