• Le Chat en Poèmes

      
     
     
    Devant ma tombe ne pleure pas


    Devant ma tombe ne pleure pas
    Je n'y suis pas, je ne dors pas
    Dans le ciel je suis mille vents qui soufflent
    Je suis l'éclat du diamant sur la neige
    Je suis la lumière qui éclaire les champs
    Je suis la pluie d'automne tombant doucement
    Devant ma tombe ne pleure pas
    Je ne suis pas mort, je n'y suis pas

    Je suis les rivières qui courent, libres
    Je suis les étoiles de l'infini, je brille
    Je suis les rêves qui n'ont pas de fin
    Je suis le soleil qui caresse tes matins.
    En hiver je suis la neige qui tombe à ta fenêtre
    Au printemps je suis les fleurs dans ton jardin
    En été je suis je suis les feuilles où tu t'endors
    Je ne suis ni vérités ni torts.

    Je suis la rose que tu tiens sur ton coeur
    Douce et amère comme tes larmes intérieures
    Je suis l'ange qui a toujours veillé sur toi,
    Devant ma tombe ne pleure pas
    Je ne suis pas mort, je n'y suis pas

    Mortuary


     

     

    La java des pussy-cats

     

    Sur un vieux toit en zingue

    Y avait des pussy-cats

    Qui dansaient comme des dingues

    En f'sant du bruit avec leurs pattes

    Alertés, les voisingues

    S'écriaient ça n'a rien d'bath

    y a d'quoi dev'nir sourdingue

    On peux plus travailler ses maths

    Le matou du marchand d'volailles

    Une sardine en bandouillière

    Avait enlacé par la taille

    La chatte de la cuisinière

    Chacun faisait du gringue

    A la siamoise de l'épicier

    C'était un vrai dancingue

    A tout l'monde ils cassaient les pieds

    Au bout d'une demi-plombe

    Ecoeurés par ce raffut

    Les flics s'amènent en trombe

    En faisant tourner leurs massues

    Et c'est une hécatombe

    Les ardoises volent en éclats

    On aurait cru des bombes

    Mais y avait déjà plus un chat

    Réfugiés au fond d'une cave

    Les pussy-cats pas dégonflés

    Sirotant d'l'alcool de betterave

    S'étaient remis à gambiller

    Toute la nuit ils dansèrent

    En usant des kilos d'savates

    Pour leur anniversaire

    La java des pussy-cats

     

    Boris Vian

     

     

    LE CHAT (I)

     

    Dans ma cervelle se promène,
    Ainsi qu'en son appartement,
    Un beau chat, fort, doux et charmant.
    Quand il miaule, on l'entend à peine,

    Tant son timbre est tendre et discret;
    Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
    Elle est toujours riche et profonde.
    C'est là son charme et son secret.

    Cette voix, qui perle et qui filtre,
    Dans mon fonds le plus ténébreux,
    Me remplit comme un vers nombreux
    Et me réjouit comme un philtre.

    Elle endort tous les cruels maux
    Et contient toutes les extases;
    Pour dire les plus longues phrases,
    Elle n'a pas besoin de mots.

    Non, il n'est pas d'archer qui morde
    Sur mon coeur, parfait instrument,
    Et fasse plus royalement
    Chanter sa plus vibrante corde,

    Que ta voix, chat mystérieux,
    Chat séraphique, chat étrange,
    En qui tout es, comme un ange,
    Aussi subtil qu'harmonieux!

    - De sa fourrure blonde et brune
    Sort un parfum si doux, qu'un soir
    J'en fus embaumé, pour l'avoir
    Caressée une fois, rien qu'une.

    C'est l'esprit familier du lieu;
    Il juge, il préside, il inspire
    Toutes choses dans son empire;
    Peut-être est-il fée, est-il dieu ?

    Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
    Tirées comme un aimant,
    Se retournent docilement
    Et que je regarde en moi-même,

    Je vois avec étonnement
    Le feu de ses prunelles pâles,
    Clairs fanaux, vivantes opales,
    Qui me contemplent fixement.

     

     

    C.Baudelaire - Les Fleurs du Mal

     

     

    Le Chat (II)

     

    De sa fourrure blonde et brune

    Sort un parfum si doux, qu'un soir

    J'en fus embaumé, pour l'avoir

    Caressé une fois, rien qu'une.

     

    C'est l'esprit familier du lieu;

    Il juge, il préside, il inspire

    Toutes choses dans son empire;

    Peut-être est-il fée, est-il dieu?

     

    Quand mes yeux vers ce chat que j'aime

    Tirés comme par un aimant,

    Se retournent docilement

    Et que je regarde en moi-même,

     

    Je vois avec étonnement

    Le feu de ses prunelles pâles,

    Clairs fanaux, vivantes opales,

    Qui me contemplent fixement.

     

    Baudelaire, Les fleurs du mal

    LE CHAT

     

     

    Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;

    Retiens les griffes de ta patte,

    Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,

    Mêlés de métal et d'agate.

    Lorsque mes doigts caressent à loisir

    Ta tête et ton dos élastique,

    Et que ma main s'enivre du plaisir

    De palper ton corps électrique,

    Je vois ma femme en esprit. Son regard,

    Comme le tien, aimable bête,

    Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

    Et, des pieds jusques à la tête,

    Un air subtil, un dangereux parfum,

    Nagent autour de son corps brun.

     

    C.Baudelaire - Les Fleurs du Mal


     

    LES CHATS


    Les amoureux fervent et les savants austères

    Aiment également, dans leur mûre saison;

    Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,

    Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

    Amis de la science et de la volupté,

    Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;

    L'Erèbe les eut pris pour ses courriers funèbres;

    S'ils pouvaient au sevrage incliner leur fierté.

    Ils prennent en songeant les nobles attitudes
    Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
    Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;

    Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques,
    Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,

    Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

     

    C.Baudelaire - Les Fleurs du Mal

     

    Le Chat

    II

    De sa fourrure blonde et brune
    Sort un parfum si doux, qu'un soir
    J'en fus embaumé, pour l'avoir
    Caressé une fois, rien qu'une.

    C'est l'esprit familier du lieu;
    Il juge, il préside, il inspire
    Toutes choses dans son empire;
    Peut-être est-il fée, est-il dieu?

    Quand mes yeux vers ce chat que j'aime
    Tirés comme par un aimant,
    Se retournent docilement
    Et que je regarde en moi-même,

    Je vois avec étonnement
    Le feu de ses prunelles pâles,
    Clairs fanaux, vivantes opales,
    Qui me contemplent fixement.

    Baudelaire, Les fleurs du mal

    A une Chatte

     

    Chatte blanche, chatte sans tache,
    Je te demande, dans ces vers,
    Quel secret dort dans tes yeux verts,
    Quel sarcasme sous ta moustache.

    Tu nous lorgnes, pensant tout bas
    Que nos fronts pâles, que nos lèvres
    Déteintes en de folles fièvres,
    Que nos yeux creux ne valent pas

    Ton museau que ton nez termine,
    Rose comme un bouton de sein,
    Tes oreilles dont le dessin
    Couronne fièrement ta mine.

    Pourquoi cette sérénité?
    Aurais-tu la clé des problèmes
    Qui nous font, frissonnant et blèmes,
    Passer le printemps et l'été?

    Devant la mort qui nous menace,
    Chats et gens, ton flair, plus subtil
    Que notre savoir, te dit-il
    Où va la beauté qui s'efface,

    Où va la pensée, où s'en vont
    Les défuntes splendeurs charnelles? ...
    Chatte, détourne tes prunelles;
    J'y trouve trop de noir au fond.

     

    Charles Cros

    Berceuse

     

    Endormons-nous, petit chat noir.
    Voici que j'ai mis l'éteignoir
    Sur la chandelle.
    Tu vas penser à des oiseaux
    Sous bois, à de félins museaux...
    Moi rêver d'elle.

    Nous n'avons pas pris de café,
    Et dans mon lit bien chauffé
    (Qui veille pleure.)
    Nous dormirons, pattes dans bras.
    Pendant que tu ronronneras,
    J'oublierai l'heure.

    Sous tes yeux fins, appesantis,
    Reluiront les oaristys
    De la gouttière.
    Comme chaque nuit, je croirai
    La voir, qui froide a déchiré
    Ma vie entière.

    Et ton cauchemar sur les toits
    Te diras l'horreur d'être trois
    Dans une idylle.
    Je subirais les yeux railleurs
    De son faux cousin, et ses pleurs
    De crocodile.

    Si tu t'éveilles en sursaut
    Griffé, mordu, tombant du haut
    Du toit, moi-même
    Je mourrai sous le coup félon
    D'une épée au bout du bras long
    Du fat qu'elle aime.

    Puis hors du lit, au matin gris,
    Nous chercherons, toi, des souris,
    Moi, des liquides
    Qui nous fassent oublier tout,
    Car au fond, l'homme et le matou
    Sont bien stupides.

     

     

    Charles Cros

     

     

    Le petit chat blanc

     

     

    Un petit chat blanc qui faisait semblant d'avoir mal aux dents disait en miaulant:

    "Souris mon amie. J'ai bien du souci. Le docteur m'a dit: Tu seras guéri.

    Si entre tes dents tu mets un moment délicatement la queue d'une souris"

    Très obligeamment souris bonne enfant s'approcha du chat qui se la mangea.

     

    Moralité:

    Les bons sentiments ont l'inconvénient d'amener souvent de graves ennuis

    aux petits enfants comme aux souris.

     

     

    Claude Roy

     

    Enfantasque

     

     

    Sonnet

     

     

    Mon chat, hôte sacré de ma vielle maison,

    De ton dos élastique arrondis la souplesse.

    Viens te pelotonner sur mes genoux et laisse

    Que je passe mes mains dans ta toison.

     

    Ferme à demi, les reins émus d'un long frisson,

    Ton œil vert qui me raille et pourtant me caresse,

    Ton œil vert, mêlé d'or qui, chargé de paresse,

    M'observe, d'ironique et bénigne façon.

     

    Tu n'as jamais connu, philosophe, ô vieux frère,

    La fidélité sotte et bruyante du chien.

    Tu m'aimes cependant, et mon cœur le sent bien.

     

    Ton amour clairvoyant et peut-être éphémère

    Me plaît, et je salue en toi, calme penseur,

    Des exquises vertus: scepticisme et douceur.

     

     

    Jules Lemaitre

     


    Le petit chat

     

     

    C'est un petit chat noir, effronté comme un page.
    Je le laisse jouer sur ma table, souvent.
    Quelquefois il s'assied sans faire de tapage;
    On dirait un joli presse-papier vivant.

    Rien de lui, pas un poil de sa toison ne bouge.
    Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
    A ces matous, tirant leur langue de drap rouge,
    Qu'on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.

    Quand il s'amuse, il est extrêmement comique,
    Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.
    Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique
    Quand on met devant lui la soucoupe de lait.

    Tout d'abord de son nez délicat il le flaire,
    Le frôle; puis, à coups de langue très petits,
    Il le lampe; et dès lors il est à son affaire;
    Et l'on entend, pendant qu'il boit, un clapotis.

    Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
    Et ne relève enfin son joli museau plat
    Que lorsqu'il a passé sa langue rêche et rose
    Partout, bien proprement débarbouillé le plat.

    Alors, il se pourlèche un moment les moustaches,
    Avec l'air étonné d'avoir déjà fini;
    Et, comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches,
    Il relustre avec soin son pelage terni.

    Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates;
    Il les ferme à-demi, parfois, en reniflant,
    Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
    Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.

    Mais le voilà qui sort de cette nonchalance,
    Et, faisant le gros dos, il a l'air d'un manchon;
    Alors pour l'intriguer un peu, je lui balance,
    Au bout d'une ficelle invisible un bouchon.

    Il fuit en galopant et la mine effrayée,
    Puis revient au bouchon, le regarde, et d'abord
    Tient suspendue en l'air sa patte repliée,
    Puis l'abat, et saisit le bouchon et le mord.

    Je tire la ficelle, alors, sans qu'il le voie;
    Et le bouchon s'éloigne, et le chat noir le suit,
    Faisant des ronds avec sa patte qu'il envoie,
    Puis saute de côté, puis revient, puis refuit.

    Mais dès que je lui dis: "Il faut que je travaille;
    Venez vous asseoir là, sans faire le méchant!"
    Il s'assied ... Et j'entends, pendant que j'écrivaille,
    Le petit bruit mouillé qu'il fait en se léchant.


    Edmond Rostand

     


    On les a fait Venir !

     

    Je suis le chat de cimetière,
    De terrain vague et de gouttière,
    De haute-Egypte et du ruisseau
    Je suis venu de saut en saut.

    Je suis le chat qui se prélasse
    A l'instant où le soleil passe,
    Dans vos jardins et dans vos cours
    Sans avoir patte de velours.

    Je suis le chat de l'infortune,
    Le trublion du clair de lune
    Qui vous réveille dans la nuit
    Au beau milieu de vos ennuis.

    Je suis le chat des maléfices
    Condamné par le Saint-Office;
    J'évoque la superstition
    Qui cause vos malédictions.

    Je suis le chat qui déambule
    Dans vos couloirs de vestibules,
    Et qui fait ses petits besoins
    Sous la porte cochère du coin.

    Je suis le félin bas de gamme,
    La bonne action des vieilles dames
    Qui me prodiguent le ron-ron
    Sans souci du qu'en dira-t-on.

    Epargnez moi par vos prières
    Le châtiment de la fourrière
    Où finissent vos émigrés
    Sans demeure et sans pedigree.


    Henri Monnier

     


    Lapalissade

     

    Le chat noir de la palissade
    Promène son museau partout,
    C'est un pirate en embassade,
    Le chat noir qui s'en vient chez nous.

    Dans le jardin ou sur le toit,
    En mille et une escapades
    De tous côtés, il est le roi.

    Il est le tigre du Bengale
    Et le prince des maraudeurs,
    Sa moquerie est sans égale:
    Ce chat-là est un chapardeur.

    Il faut le voir, cet escogriffe,
    Ce gracile animal ingrat
    Qui lacère à grands coups de griffe
    Les détritus de papier gras.

    Il mène sa vie à sa guise,
    Ne faisant que ce qui lui plaît,
    Il se complaît dans des bêtises
    Qui ne valent pas un couplet.

    Et cependant si ce vaurien
    Ne commet que des incartades
    A la maison, on l'aime bien,
    Le chat noir de la palissade.

     

     

    Henri Monnier

     


    Le chat et l'oiseau

     

     

    Un village écoute désolé
    Le chant d'un oiseau blessé
    C'est le seul oiseau du village
    Et c'est le seul chat du village
    Qui l'a à moitié dévoré
    Et l'oiseau cesse de chanter
    Le chat cesse de ronronner
    Et de se lécher le museau
    Et le village fait à l'oiseau
    De merveilleuses funérailles
    Et le chat qui est invité
    Marche derrière le petit cercueil de paille
    Où l'oiseau mort est allongé
    Porté par une petite fille
    Qui n'arrête pas de pleurer
    Si j'avais su que cela te fasse tant de peine
    Lui dit le chat
    Je l'aurais mangé tout entier
    Et puis je t'aurais raconté
    Que je l'avais vu s'envoler
    S'envoler jusqu'au bout du monde
    Là-bas c'est tellement loin
    Que jamais on n'en revient
    Tu aurais eu moins de chagrin
    Simplement de la tristesse et des regrets

    Il ne faut jamais faire les choses à moitié

    Jacques Prévert

     


    Poème du chat

    Quand on est chat on est pas vache
    On ne regarde pas passer les trains
    En mâchant des pâquerettes avec entrain
    On reste derrière ses moustaches
    (Quand on est chat on est chat)

    Quand on est chat on est pas chien
    On ne lèche pas les vilains moches
    Parce qu'ils ont du sucre plein les poches
    On ne brûle pas d'amour pour son prochain
    Quand on est chat on est pas chien
    On passe l'hiver sur le radiateur
    (Quand on est chat, on est pas chien).

    On passe l'hiver sur le radiateur
    A se chauffer doucement la fourrure
    Au printemps on monte sur les toits
    Pour faire taire les sales oiseaux
    On est celui qui s'en va tout seul
    Et pour qui tous les chemins se valent
    (Quand on est chat, on est chat).


    Jacques Roubaud

     


    Les esclaves

    Au commencement, Dieu créa le chat à son image.
    Et bien entendu, il trouva que c'était bien.
    Et c'était bien d'ailleurs.

    Mais le chat était paresseux.
    Il ne voulait rien faire.
    Alors, plus tard, après quelques millénaires, Dieu créa l'homme.
    Uniquement dans le but de servir le chat,
    De lui servir d'esclave jusqu'à la fin des temps.

    Au chat, il avait donné l'indolence et la lucidité;
    À l'homme, il donna la névrose, le don du bricolage et la passion du travail.
    L'homme s'en donna à cœur joie.
    Au cours des siècles, il édifia toute une civilisation basée sur l'invention,
    La production et la consommation intensive.

    Civilisation qui n'avait en réalité qu'un seul but secret:
    Offrir au chat le confort, le gîte et le couvert.


    Jacques Sternberg

     

     

    Semonce à Mistigri

     

    Mon Mistigri, mon infidèle,
    Tu dois venir quand je t'appelle,
    Au lieu de courir la souris
    Tout le jour et encor la nuit.
    Je n'aime pas cette manière
    De te sauver dans les jardins
    Quand je t'ai préparé du pain,
    Et de la sauce et du gruyère...
    Tu en connais, toi, des maîtresses
    Aussi patientes que je suis,
    Et qui vous font milles caresses
    Après qu'on s'est si mal conduit ?

     

    Jean Desmeuze

     


    Epitaphe d'un chat


    Petit museau, petites dents,
    Yeux qui n'étaient point trop ardents,
    Mais desquels la prunelle perse
    Imitait la couleur diverse
    Qu'on voit en cet arc pluvieux
    Qui se courbe au travers des cieux ;
    La tête à la taille pareille,
    Le col grasset, courte l'oreille,
    Et dessous un nez ébénin
    Un petit mufle léonin,
    Autour duquel était plantée
    Une barbelette argentée,
    Armant d'un petit poil follet
    Son musequin damoiselet ;
    La gorge douillette et mignonne,
    la queue longue à la gueunonne,
    Mouchetée diversement
    D'un naturel bigarrement :
    Tel fut Belaud la gente bête
    Qui des pieds jusques à la tête,
    De telle beauté fut pourvu
    Que son pareil on n'a point vu.

     

    Joachim du Bellay


    À La Mémoire d'une Chatte Naine Que j'avais

     

    Ô mon beau chat frileux, quand l'automne morose
    Faisait glapir plus fort les mômes dans les cours,
    Combien passâmes-nous de ces spleeniques jours
    À rêver face à face en ma chambre bien close.

    Lissant ton poil soyeux de ta langue âpre et rose
    Trop grave pour les jeux d'autrefois et les tours,
    Lentement tu venais de ton pas de velours
    Devant moi t'allonger en quelque noble pose.

    Et je songeais, perdu dans tes prunelles d'or
    - Il ne soupçonne rien, non, du globe stupide
    Qui l'emporte avec moi tout au travers du Vide,

    Rien des Astres lointains, des Dieux ni de la Mort ?
    Pourtant !... quels yeux profonds !... parfois... il m'intimide

    Saurait-il donc le mot ? - Non, c'est le Sphinx encor.

    Jules Laforgue

     


    L'Insomniaque et le Chat

    Donne-moi la quiétude, ô mon doux Chat !
    Rends à mon âme, de tes ronrons, le calme et le sommeil
    Pour qu'au matin rieur, le soleil triomphant, innocent et béat,
    Ensemence de traits chauds l'élan de mon réveil !
    Dans ton pelage lisse, mes mains si fatiguées
    Cherchent parmi les ombres la torpeur mortelle
    Qui donne aux yeux des hommes le repos espéré,
    Et au cerveau l'oubli, ce rebelle éternel.
    Appuie contre mon bras ta tête délicate,
    Où de curieux secrets se cachent en silence,
    Et que ton souffle pur et tes vives agates
    Apaisent sans mot dire les rivages fugaces
    Où mes rêves farouches se perdent et se débattent :
    Offre à mon coeur trop lourd la douceur salvatrice...

    (Nefred - Toulon, 1998)


    Le chat

    Pour ne poser qu'un doigt dessus
    Le chat est bien trop grosse bête.
    Sa queue rejoint sa tête,
    Il tourne dans ce cercle
    Et se répond à la caresse.

    Mais, la nuit l'homme voit ses yeux
    dont la pâleur est le seul don.
    Ils sont trop gros pour qu'il les cache
    Et trop lourds pour le vent perdu du rêve.

    Quand le chat danse
    C'est pour isoler sa prison
    Et quand il pense
    C'est jusqu'aux murs de ses yeux.

     

     

    Paul Eluard,

    Les animaux et leurs hommes,

    les hommes et leurs animaux.

     


     

    Le chat noir


    Un fantôme est encore comme un lieu

    où ton regard se heurte contre un son ;

     mais contre ce pelage noir

     ton regard le plus fort est dissous :

     

    ainsi un fou furieux, au paroxysme de sa rage, trépigne dans le noir et soudain, dans le capitonnage sourd de sa cellule, cesse et s'apaise.

     

    Tous les regards qui jamais l’atteignirent, il semble en lui les recéler pour en frémir, menaçant, mortifié, et avec eux dormir. Mais soudain, dressé vif, éveillé, il tourne son visage dans le tien : et tu retrouves à l’improviste ton regard dans les boules d'ambre jaunes de ses yeux : enclos
    comme un insecte fossilisé.

     

    Rainer Maria Rilke

    Nouveaux poèmes

     


    Le Chat Qui ne Ressemble à rien

     

    Le chat qui ne ressemble à rien
    Aujourd'hui ne va pas très bien.

    Il va visiter le Docteur
    Qui lui ausculte le coeur.

    Votre coeur ne va pas bien
    Il ne ressemble à rien,

    Il n'a pas son pareil
    De Paris à Créteil.

    Il va visiter sa demoiselle
    Qui lui regarde la cervelle.

    Votre cervelle ne va pas bien
    Elle ne ressemble à rien,

    Elle n'a pas son contraire
    A la surface de la terre.

    Voilà pourquoi le chat qui ne ressemble à rien
    Est triste aujourd'hui et ne va pas bien.

     

    Robert Desnos

     


    Comment appeler son chat

     

    C'est un art délicat, que d'appeler son chat :
    Le baptiser n'est pas un simple passe-temps.
    Je ne travaille pas du chapeau, croyez-moi,
    Mais sachez-le, un chat a trois noms différents.
    Un chat a, tout d'abord, son nom de tous les jours,
    Comme Pierre ou Jean-Paul, Aglaë, Pompadour,
    Comme sylvain ou Luc, Chat-fouuré, Cyprien...
    Tous sont des noms sérieux, pour chats bien de chez nous.
    Mais un chat a besoin, il faut que ça se sache,
    D'un vrai nom personnel, un nom plus majestueux.
    Sans ce nom, il ne peut pas redresser sa queue,
    Affirmer sa fierté, hérisser ses moustaches.
    Des noms de cette sorte, en veux-tu, en voilà,
    Comme Méta-Mhétyl. Ouitchi, Kalikola...
    Mais par-dessus tout ça, il reste encore un nom,
    C'est le nom que jamais nul ne peut deviner,
    C'est le nom dont jamais nul ne saura le nom,
    LE CHAT QUI LE CONNAIT ne veut le révéler...

    Thomas Stearns Eliot

     

     

     Chanson du chat

     

     

    Chat, chat, chat,Chat noir,

    chat blanc, chat gris

    Charmant chat couché

    Chat, chat, chat,

    N'entends-tu pas les souris

    Danser à trois des entrechats

    Sur le plancher?

    Le bourgeois ronfle dans son lit,

    De son bonnet de coton coiffé,

    Et la lune regarde à la vitre.

    Dansez souris, dansez jolies,

    Dansez vite

    En remuant vos fines queues de fées.

    Dansez sans musique tout à votre aise,

    A pas menus et drus,

    Au clair de lune qui vient de se lever,

    Courez; les sergents de la ville dans la rue

    Font les cent pas sur le pavé;

    Et tous les chats du vieux Paris

    Dorment sur leurs chaises

    Chats blancs, chats noirs ou chats gris.

     

     

    Tristan Klingsor

     

    Florilège poétique

     

     


      Le chat et la lune

    Le chat s'en allait ça et là,
    La lune tournait comme une toupie,
    Le plus proche parent de la lune,
    Le chat rampant, leva les yeux.
    Minnaloushe rampe dans l'herbe
    De flaque de lune en flaque de lune,
    Et là-haut la lune sacrée
    Commence une phase nouvelle.
    Minnaloushe a-t-il conscience
    Que ses prunelles changent sans cesse,
    Qu'elles vont du cercle au croissant,
    Pour aller du croissant au cercle ?
    Minnaloushe rampe dans l'herbe,
    Solitaire, sage, important,
    Levant vers la lune changeante
    Ses yeux changeants.


    William Butler Yeats

     


    Si je préfère les chats aux chiens, c'est parce qu'il n'y a pas de chat policier.
      [Jean Cocteau]